Soigner l’estime de soi

Notre moi, dimension consciente et active de la vie psychique, vit en permanence sous la surveillance d’un surmoi : une instance régulatrice de l’appareil psychique qui édicte des règles de conduite et juge les activités du moi. Le surmoi est constitué à partir des identifications aux parents, en particulier le père dans une société patriarcale, mais aussi la mère, selon les configurations de la famille. Il arrive parfois que ce surmoi devienne tyrannique : il ne laisse plus le moi vivre tranquillement mais lui impose des règles intenables. L’estime de soi se fragilise alors, on se juge négativement, parfois sans lien réaliste avec nos actions réelles. Le surmoi tyrannique, issue de l’introjection de figures parentales elles-mêmes autoritaires, ne laisse plus d’espace de respiration au moi. Très vite, la dépression s’ensuit. Puisque tous nos actes, dans ce cas, sont jugés négativement, ne plus agir devient le seul refuge pour pouvoir survivre psychiquement. C’est l’apathie, l’anhédonie, l’incapacité de ressentir du plaisir, la fuite du bonheur sur des terres lointaines inaccessibles. Il convient alors d’examiner la situation de manière pragmatique et d’entamer une psychothérapie dont l’une des problématiques sera de désamorcer ce surmoi tyrannique.

Estime de soi
L’estime de soi, un enjeu majeur de la santé psychique

Freud associe le surmoi à l’idéal du moi, et pour cause : les identifications parentales sur lesquels le surmoi se construit pavent la voie de nos modèles de vie, de nos espoirs, de nos rêves diurnes, de nos désirs de devenir, d’éprouver, de réaliser. Lorsque l’idéal du moi est impossible à réaliser, si impossible que la vie en semble dénuée de toute saveur, la motivation s’enfuit, fond, se dissout. Il ne reste alors plus qu’une réalité morne, morose, morbide. Ajoutons à cela l’isolement, et le tableau dépressif s’aggrave. Soigner la dépression, c’est donc restaurer le moi, le renforcer, lui insuffler de la vitalité, en cultiver les ressources, trouver de nouveaux étayages et entretenir les relations qui nous font du bien. Quant au surmoi, il conviendra d’en neutraliser la part toxique. Cela se fait par l’analyse de l’histoire de nos identifications parentales, c’est-à-dire en comprenant comment elles se sont construites et à partir de quelle réalité infantile, de quel vécu. Ainsi nous pouvons retrouver les voies du désir sain et serein, d’un désir réaliste et accessible.

Estime de soi
Quand le surmoi devient tyrannique : l’excès de jugement affaiblit l’estime de soi

Paradoxalement, un moi qui perd son estime, sa raison d’être, fait parfois écho à un moi grandiose : dans la dépression, des oscillations peuvent apparaître entre une estime de soi surpuissante et une estime de soi écrasée par les jugements du surmoi. Ces oscillations sont caractéristiques des personnes que l’on qualifiait autrefois de maniaco-dépressives, aujourd’hui de bipolaires. À un moindre degré, on trouvera la cyclothymie, sorte de petite bipolarité, non moins invalidante pour la vie quotidienne. Grande sera la tentation de recourir à des médicaments antidépresseurs et à des thymorégulateurs. S’ils peuvent apporter un certain confort, ces composés chimiques agissant notamment sur la sérotonine ne sont pas des solutions durables : ils traitent les symptômes et non leurs causes. On recommandera donc l’usage de médicaments qu’en accompagnement d’une prise en charge psychothérapeutique qui, elle, permettra de mettre en travail le moi pour agir sur les causes pathogènes et à terme une reconfiguration de l’appareil psychique permettant de retrouver une joie de vivre sans excès.

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