Quand le corps prend la parole : la psychosomatique

Certains d’entre-nous se croient « normaux« , « sans problèmes« , croient que psychologiquement « tout va bien« , mais présentent des troubles corporels graves, des névralgies, des allergies, des douleurs dans les membres, des migraines, des problèmes digestifs variés, bref, le corps ne va pas bien. Il serait illusoire de penser que notre corps présente des symptômes que le cerveau ignore, en d’autre mots, que si le corps va mal, l’esprit peut aller bien. En réalité il n’existe pas de dualisme entre le corps et l’esprit. Il existe une discipline chargée de l’étude des troubles physiologiques à cause mentale, c’est la psychosomatique.

Sous l’impulsion de l’école psychosomatique de Paris et Pierre Marty, des chercheurs ont commencé, dès la fin de la seconde guerre mondiale, à s’intéresser à ce corps qui s’exprime sans que les médecins puissent biologiquement dire que quelque chose ne va pas : les analyses de sang sont muettes, tout comme les scanners, les rayons X, radio, gamma et ultrasons. Ce que l’on observe chez les sujets atteints de troubles psychosomatiques, c’est la présence d’une pensée opératoire : un discours qui frise la « normopathie » une sorte d’obsession pour la normalité, la norme, le normal, la rationalité excessive qui se construit comme une certitude. Tout va bien, même si mon corps me dit le contraire, les médecins l’affirment : tout va bien. Je souffre, mais je vais bien. Étrange destinée que cette sourde oreille à notre plus puissante manière de manifester des troubles psychiques. Si le corps s’exprime, c’est parce que la parole est mise en échec. Soit il y a trop d’interdits, soit il y a trop de non-dits : dans les deux cas, la douleur ne peut pas être ignorée et seule une psychanalyse aura des effets sur cette situation. Il faut remettre de l’huile dans le moteur psychique, remettre la pensée affective au travail.

Il peut sembler curieux que la psychothérapie puisse changer la destinée corporelle et physiologique. Ceci dit, c’est tout à fait rationnel. La parole est une production cérébrale. Le cerveau contrôle et capte l’intégralité du corps en permanence. Par conséquent, une pensée, une émotion, un désir, sont tout à fait capables de générer de la douleur comme du plaisir, et des désordres somatiques graves jusqu’à la mort, dans les cas extrêmes. Ce qui devrait sembler curieux, c’est davantage que le corps ne soit pas aussi souvent influencé par notre pensée que ce que l’on observe, en bref, le parfait contraire de la normalité, chose bien futile et bien illusoire : personne n’est plus anormal que celui qui croit en la toute-puissance de la norme pour réguler cette machine vivante si complexe qu’est notre corps pensant, notre corps émotif, notre corps pleurant, riant, jouant, souffrant.

Le corps est le dernier recours du cerveau, organe le mieux intégré aux autres, pour s’exprimer. Voilà pourquoi la parole peut accomplir de très grandes choses, et libérer presque « magiquement » le corps de ses souffrances. Encore faut-il trouver la bonne oreille, la posture empathique. Parfois ce n’est pas le conjoint, ni les autres membres de la famille, mais le psychothérapeute, qui s’avérera la bonne personne. En effet, le psy est là pour ça : il a fait de l’écoute son métier, et s’il est psychanalyste, il sait manier cet instrument avec le « tact » que conseillait Sigmund Freud dans la technique psychanalytique. Ceci dit, misère au thérapeute qui soignera un ami ou sa famille : sa profession n’est pas compatible avec ces relations et pour cause, ce que l’on dit à un thérapeute, on ne le dit à personne d’autre. D’où l’importance de la confiance et de la confidentialité, qui doivent être presque absolues, et ressenties comme telle.

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