Définition de la normalité
Qu’est-ce qu’une personne normale ? Le concept de normalité est sujet à caution : il a tendance à devenir très vite normatif, et pour cause, est « normale » la personne qui se fond dans la « norme ». Le conformisme est le risque de toute tentative de définition de la normalité. C’est pourquoi on préfèrera l’idée de santé psychique à celle de normalité. Jean Bergeret, professeur de psychologie clinique et psychologue clinicien, a proposé dans son ouvrage « La personnalité normale et pathologique » (1985), une définition de la normalité psychique :
Le véritable « bien-portant » n’est pas simplement quelqu’un qui se déclare comme tel, ni surtout un malade qui s’ignore, mais un sujet conservant en lui autant de fixations conflictuelles que bien des gens, et qui n’aurait pas rencontré sur sa route des difficultés internes ou externes supérieures à son équipement affectif héréditaire ou acquis, à ses facultés personnelles défensives ou adaptatives, et qui se permettrait un jeu assez souple de ses besoins pulsionnels, de ses processus primaire et secondaire sur des plans tout aussi personnels que sociaux en tenant un juste compte de la réalité, et en se réservant le droit de se comporter de façon apparemment aberrante dans des circonstances exceptionnellement « anormales ».
En partant de cette longue définition, on peut rapprocher la normalité à l’idée d’une bonne adaptation de l’appareil psychique singulier à un collectif, la société dans laquelle la personne vit, ses groupes d’appartenance, sa famille. Personne ne devrait être en position de déclarer « normal » quiconque sans risquer une forme d’autoritarisme intellectuel. Est normal celui qui est donc sain. Est sain celui arrive à rester dans la norme sans pour autant s’y cloisonner artificiellement. D’où la possibilité de s’écarter des normes occasionnellement, dans les moments de fête par exemple.
Excès de normalité
Un excès de normalité peut conduire à se former une personnalité de « normopathe » : celui qui est tellement obsédé par la norme qu’il n’autorise en lui et chez les autres aucun écart vis-à-vis de ses représentations du normal. Ce problème de la norme psychique est par ailleurs le talon d’Achille des psychothérapies comportementales : en voulant réadapter et reprogrammer les individus, les comportementalistes ne questionnent jamais le bien-fondé d’une norme. Une norme peut tout à fait être injuste, déraisonnable voire même intolérable selon une grille d’analyse relative à chacun et donc variable. La question de la norme est une question politique. Elle arrive dans le domaine psychique par effraction, et non sans dégâts. Voilà pourquoi il est probablement plus sage de remplacer le normal par le sain, la norme par la santé.
La santé psychique comme objectif
La santé est plus universelle que la norme, tributaire d’un contexte socio-historique relatif. L’OMS définit la santé comme ceci : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Il s’agit donc d’une définition positive, qui ne se réduit pas à l’absence de problèmes. Nous pouvons tout à fait l’adopter en psychologie clinique. La psychanalyse vise la santé psychique, et non la normalisation des comportements. C’est un idéal plus profond, plus sensé, plus difficile que la simple soumission/adaptation aux normes qui sévit dans le comportementalisme. Mais comme disait Freud, « céder sur les mots, c’est céder sur les choses ». Ainsi, peu importe que nous soyons normaux ou pas en vertu de telle ou telle éphémère grille d’analyse, ce qui importe en psychothérapie, c’est le bien-être complet qui épanouit, réalise, libère la personne en perpétuel devenir.
Bibliographie :
La personnalité normale et pathologique, Jean Bergeret, éditions Dunod, 1985